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voit. La comtesse de Gramont[1] et d’autres ont senti les effets de son inconstance ; mais ce n’est pas lui qui change le premier. Vous n’avez pas sujet de vous plaindre de lui, et ce ne sera pas par vous qu’il commencera à faire de grandes injustices.

Notre abbé a pour vous une tendresse qui me le fait adorer ; il vous trouve d’une solidité qui le charme, et qui le fait brùler d’impatience de vous pouvoir soulager et vous être bon à quelque chose ; il a quasi autant d’envie que moi d’aller en Provence. Nous sommes occupés de notre chapelle ; elle sera achevée à la Toussaint. Nous sommes dans une parfaite solitude et je m’en trouve bien. Ce parc est bien plus beau que vous ne l’avez vu, et l’ombre de mes petits arbres est une beauté qui n’étoit pas bien représentée par les bâtons d’alors. Je crains le bruit qu’on va faire en ce pays. On dit que Mme de Chaulnes arrive aujourd’hui ; je l’irai voir demain, je ne puis pas m’en dispenser ; mais j’aimerois bien mieux être dans la Capucine, ou à lire le Tasse, où je suis d’une habileté qui vous surprendroit et qui me surprend moi-même.

Vous me dites trop de bien de mes lettres, ma bonne ; je compte sûrement sur toutes vos tendresses : il y a longtemps que je dis que vous êtes vraie ; cette louange me plaît ; elle est nouvelle et distinguée de toutes les autres ; mais quelquefois aussi elle pourroit faire du mal. Je sens au milieu de mon cœuri[2] tout le bien que cette opinion

  1. 9. Elisabeth Hamilton, dame du palais de la Reine, femme du comte de Gramont et sœur du comte Antoine Hamilton, auteur des Mémoires de Gramont. Elle mourut à soixante-sept ans, en juin 1708, un an et quelques mois après son mari. — Voyez les Souvenirs de Mme de Caylus, tome LXVI, p. 441.
  2. 10. Tel est le texte de l’édition de la Haye (1726) et de la première édition de Perrin (1734). Dans l’édition de Rouen (1726) on lit : au fond du cœur ; dans la seconde de Perrin (1754) : dans le milieu de mon cœur.