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M. d’Hacqueville pour me consoler, je me pendrois de trouver encore en moi cette foiblesse. Vous m’apparoissez pour me faire honte ; mais je me dis de méchantes raisons, et je continue. J’aurai bien de l’honneur du soin que vous me donnez de vous conserver l’amitié de l’abbé ! Il vous aime chèrement ; et nous parlons très-souvent de vous, de vos affaires et de vos grandeurs. Il voudroit bien ne pas mourir avant que d’avoir été en Provence, et de vous avoir rendu quelque service. On me mande que la pauvre Mme de Montlouet est sur le point de perdre l’esprit[1] : elle a extravagué jusqu’à présent sans jeter une larme ; elle a une grosse fièvre, et commence à pleurer ; elle dit qu’elle veut être damnée, puisque son mari doit l’être assurément. Nous continuons notre chapelle. Il fait chaud ; les soirées et les matinées sont très-belles dans ces bois et devant cette porte ; mon appartement est frais. J’ai bien peur que vous ne vous accommodiez pas si bien de vos chaleurs de Provence. Je suis toujours toute à vous, ma très-chère et très-aimable bonne. Une amitié à M. de Grignan. Ne vous adore-t-il pas toujours ?


1671

184. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, ce 15e juillet.

Si je vous écrivois toutes mes rêveries, je vous écrirois toujours les plus grandes lettres du monde ; mais cela n’est pas bien aisé ; ainsi je me contente de ce qui se peut écrire, et je rêve tout ce qui se doit rêver : j’en ai le temps et le lieu. La Mousse a une petite fluxion sur les dents, et l’abbé une petite fluxion sur le genou, qui

  1. 3. Voyez la note 2 de la lettre précédente.