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l’en crois, il n’oubliera rien de tous mes discours : je le connois bien, et souvent, au travers de ses petites paroles, je vois ses petits sentiments. S’il peut avoir congé cet automne, il reviendra ici.

Je suis fort empêchée pour les états. Mon premier dessein étoit de les fuir, et de ne point faire de dépense ; mais vous saurez que pendant que M. de Chaulnes[1] va faire le tour de sa province, Madame sa femme vient l’attendre à Vitré, où elle sera dans douze jours, et plus de quinze avant M. de Chaulnes ; et tout franchement, elle m’a fait prier de l’attendre, et de ne point partir qu’elle ne m’ait vue. Voilà ce qu’on ne peut éviter, à moins que de se résoudre à renoncer à eux pour jamais. Il est vrai que, pour n’être point accablée ici, je puis m’en aller à Vitré ; mais je ne suis point contente de passer un mois dans un tel tracas. Quand je suis hors de Paris, je ne veux que la campagne. Je vous jure que je ne suis encore résolue à rien : mandez-moi votre avis et ce que vous faites de Catau ; si elle est mariée, ne seroit-ce point une nourrice ? Il est à craindre cependant qu’avec les beaux desseins qu’elle a eus[2], son sang ne soit bien échauffé. Je vous conseille, ma fille, de bien rafraîchir le vôtre, en prenant de bons bouillons comme l’année passée.

Je vous ai parlé de la Launay ; elle étoit bariolée comme la chandelle des Rois[3], et nous trouvâmes qu’elle

  1. 3. Le duc de Chaulnes avait été nommé, le 6 mai 1671, commissaire du Roi aux états, et le 25 juin à la charge de gouverneur de Bretagne, vacante depuis la mort de la reine Anne d’Autriche qui en était titulaire : il l’occupa jusqu’au mois de mars 1695, où il obtint le gouvernement de Guyenne. Dès 1669, il était lieutenant général dans la province. Il avait été déjà deux fois (en 1667 et en 1670) ambassadeur à Rome, et remplit encore la même mission en 1689 et en 1691.
  2. 4. Voyez les lettres du 28 juin et des 8 et 26 juillet 1671.
  3. 5. « On dit d’une étoffe rayée de plusieurs couleurs, d’un habit