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secret ; je ne voudrois pas qu’il sût mes peines : il croit que son écriture est moulée ; mais vous qui parlez, mandez-moi, je vous prie, comment vous vous en accommodez.

Je suis effrayée de l’apoplexie du chevalier de B***[1]. N’est-ce pas celui qui dérobe sur la mer ? Ce n’est pas sans raison que vous aviez tant de soin de le faire aller à confesse.

Mon fils partit hier, très-fâché de nous quitter : il n’y a rien de bon, ni de droit, ni de noble, que je ne tâche de lui inspirer ou de lui confirmer. Il entre avec douceur et approbation dans tout ce qu’on lui dit ; mais vous connoissez la foiblesse humaine : ainsi je mets tout entre les mains de la Providence, et me réserve seulement la consolation de n’avoir rien à me reprocher sur son sujet. Comme il a de l’esprit, et qu’il est divertissant, il est impossible que son absence ne nous donne de l’ennui. Nous allons commencer un livre de M. Nicole[2] ; si j’étois à Paris, je vous enverrois ce livre, vous l’aimeriez fort. Nous continuons le Tasse avec plaisir, et je n’ose vous dire que je suis revenue à Cléopatre, et que par le bonheur que j’ai de n’avoir point de mémoire, cette lecture me divertit encore. Cela est épouvantable ; mais vous savez que je ne m’accommode guère bien de toutes les pruderies qui ne me sont pas naturelles ; et comme celle de ne plus aimer ces livres-là ne m’est pas encore entièrement arrivée, je me laisse divertir sous le prétexte de mon fils qui m’a mise en train. Il nous a lu aussi des chapitres de Rabelais à mourir de rire. En récompense, il a pris beaucoup de plaisir à causer avec moi ; et si je

  1. Lettre 181. — 1. Sans doute le chevalier de Buous. L’édition de la Haye ne donne que l’initiale ; celle de Rouen écrit Baous. L’une et l’autre disent en note : « Il alloit en course. » Voyez la lettre du 20 septembre suivant.
  2. 2. Voyez la note 6 de la lettre 170. — Sur la bibliothèque des Rochers, voyez la Notice, p. 162 et suivantes.