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cette précaution, que je ne vous réponds pas que cela soit vrai ; au contraire, je le crois faux : il ne faut point croire aux méchantes langues ; en un mot, je renonce au pacte. On disoit donc que M*** avoit un peu avancé les affaires, et qu’il avoit eu grand’hâte de la marier : cependant,


Cela ne put être si juste,
Qu’au bout de cinq mois, comme Auguste,
Monsieur de C***
Ne se trouvât un héritier.


La question fut de faire passer pour une mauvaise couche la meilleure qui fut jamais, et un enfant qui se portoit à merveille, pour un petit enfant mort. Ce fut une habileté qui coûta de grands soins à ceux qui s’en mêlèrent, et qui feroit fort bien une histoire de roman : j’en ai su tout le détail ; mais ce seroit une narration infinie. En voilà assez pour faire que vous rougissiez, si on parle de se blesser à cinq mois. L’enfant mourut heureusement.

Je reviens encore à vous, c’est-à-dire à cette divine fontaine de Vaucluse. Quelle beauté ! Pétrarque avoit bien raison d’en parler souvent[1] ; mais songez que je verrai toutes ces merveilles ; moi qui honore les antiquités, j’en serai ravie, et de toutes les magnificences de Grignan. L’abbé aura bien des affaires. Après les ordres doriques et les titres de votre maison, il n’y a rien à souhaiter que l’ordre que vous y allez mettre ; car sans un peu de subsistance, tout est dur, tout est amer. Ceux qui se ruinent me font pitié : c’est la seule affliction dans la vie qui se fasse toujours sentir également, et que le temps augmente au lieu de la diminuer. J’ai souvent des conversations sur

  1. 14. Voyez en particulier le sonnet XCIV, Il sasso di Valchiusa, et la canzone XIV, Alla fontana di Valchiusa, qui commence ainsi :

    Chiare, fresche e dolci acque, etc.