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un fonds de connoissance[1] qui vous doit ôter toute sorte de contrainte : c’est beaucoup ; cela vous fera une compagnie agréable. Puisqu’elle se souvient de moi, faites-lui bien mes compliments, je vous en conjure, et à notre cher Coadjuteur. Nous ne nous écrivons plus, et nous ne savons pourquoi : nous nous trouvons trop loin ; cependant j’admire la diligence de la poste.

La comparaison de la vue de Chilly[2] m’a ravie, et de voir ma chambre déjà marquée. Je ne souhaite rien tant que de l’occuper ; ce sera de bonne heure l’année qui vient, et cette espérance me donne une joie dont vous comprendrez une partie par celle que vous aurez de m’y recevoir.

J’admire Catau[3], je crois qu’elle est mariée ; mais elle a eu une conduite bien malhonnête et bien scandaleuse. Je lui pardonne moins d’avoir voulu tuer son enfant, étant de son mari, que si elle l’avoit eu d’un autre ; et cela vient d’un bien plus mauvais fonds. Son mari, à ce qu’on me mande de Paris, est un certain Droguet que vous avez vu laquais de Chésières. L’amour est quelquefois bien inutile de s’amuser à de si sottes gens ; je voudrois qu’il ne fût que pour les gens choisis, aussi bien que tous ses effets, qui me paroissent trop communs et trop répandus. Si vous vous chargez de rougir pour toutes vos voisines, et que votre imagination soit toujours aussi vive qu’avec la B***, vous sortirez toujours belle comme un ange de toutes vos conversations. Vous voulez donc que je mette sur ma conscience le paquet de cette femme ? Je le veux ; mais avec

  1. 11. Dans l’édition de 1754 : « Vous avez avec elle un fonds de connoissance. »
  2. 12. Les châteaux de Chilly et de Grignan ont effectivement quelque ressemblance. (Note de l’édition de 1818.)
  3. 13. Femme de chambre de Mme de Grignan. Voyez les lettres des 5, 8 et 26 juillet et du 23 décembre 1671, et Walckenaer, tome IV, p. 62, note.