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et que je fusse bien indifférente pour ce qui vous touche. Défaites-vous de cette haine que vous avez pour les détails ; je vous l’ai déjà dit, et vous le pouvez sentir : ils sont aussi chers de ceux que nous aimons, qu’ils nous sont ennuyeux des autres ; et cet ennui ne vient jamais que de la profonde indifférence que nous avons pour ceux qui nous en importunent. Si cette observation est vraie, jugez de ce que me sont vos relations. En vérité, c’est un grand plaisir que d’être, comme vous êtes, une véritable grande dame : je comprends bien les sentiments de M. de Grignan, en vous voyant admirer son château. Une grande insensibilité là-dessus le mettroit dans un chagrin que je m’imagine plus aisément qu’une autre : je prends part à la joie qu’il a de vous voir contente ; il y a des cœurs qui ont tant de sympathie sur certains sentiments, qu’ils sentent par eux ce que pensent les autres.

Vous me parlez trop peu de Vardes[1] et de ce pauvre Corbinelli : n’avez-vous point été bien aise de parler leur langage ? Comment va la belle passion de Vardes pour la T***[2] ? Dites-moi s’il est bien désolé de la longueur infinie de son exil, ou si la philosophie et un peu de misanthroperie soutiennent son cœur contre les coups de l’amour et de la fortune.

Vos lectures sont bonnes. Pétrarque vous doit divertir avec le commentaire que vous avez ; celui que nous avoit

  1. 2. Voyez la note 6 de la lettre 26 et la note 3 de la lettre 143.
  2. 3. Il s’agit de Mlle de Toiras (voyez les lettres du 29 juillet 1671 et du ler avril 1672). Mme de Sévigné avait sans doute écrit le nom en entier ; mais le chevalier de Perrin, qui le premier a publié cette lettre, ne donne que l’initiale. — Louise de Toiras, fille de Louis de Bermond du Caylar de Saint-Bonnet, marquis de Toiras, maréchal de camp (1658), sénéchal et gouverneur de Montpellier (1661), neveu du maréchal de Toiras (voyez la Notice, p. 12 et 16), fut mariée à Louis Bérart, seigneur de Bernes. Elle était sœur du marquis de Toiras, dont il est question dans la lettre du 22 mai 1682.