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c’est un lieu admirable pour discourir, quand on a le cœur comme je l’ai. Je ne veux point vous parler de la tendresse vive et naturelle que j’ai pour vous, ce chapitre seroit ennuyeux. Adieu donc, ma très-aimable enfant. Notre abbé vous adore toujours. J’attends avec une grande impatience des nouvelles de votre voyage et de vos affaires ; j’y prends un extrême intérêt. J’embrasse M. de Grignan.


179. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 28e juin.

Vous me récompensez bien, ma fille, de mes pertes passées ; j’ai reçu deux lettres de vous qui m’ont transportée de joie. Ce que je sens en les lisant ne se peut imaginer, et si j’ai contribué quelque chose à l’agrément de votre style, je croyois ne travailler que pour le plaisir des autres, et non pas pour le mien ; mais la Providence, qui a mis tant d’espaces et tant d’absences entre nous, m’en console un peu par les charmes de votre commerce, et encore plus par la satisfaction que vous me témoignez de votre établissement et de la beauté de votre château : vous m’y représentez un air de grandeur, et une magnificence dont je suis enchantée. J’avois vu, il y a longtemps, des relations pareilles de la première Mme de Grignan[1] ; je ne devinois pas que toutes ces beautés seroient un jour sous l’honneur de vos commandements ; je veux vous remercier d’avoir bien voulu m’en parler en détail. Si votre lettre m’avoit ennuyée, outre que j’aurois mauvais goût, il faudroit encore que j’eusse bien peu d’amitié pour vous,

  1. Lettre 179. — 1. Angélique-Clarice d’Angennes.