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est entièrement attaché à la douceur de recevoir de vos nouvelles. Me voilà insensiblement tombée dans la radoterie de Chésières[1] : je comprends sa peine si elle est comme la mienne, je sens ses douleurs de n’avoir pas reçu cette lettre du 27e : on n’est pas heureux quand on est comme lui ; Dieu me préserve de son état ; et vous, ma fille, préservez-m’en sur toutes choses. Adieu, je suis chagrine, je suis de mauvaise compagnie ; quand j’aurai reçu de vos lettres, la parole me reviendra. Quand on se couche, on a des pensées qui ne sont que gris-brun, comme dit M. de la Rochefoucauld ; et la nuit elles deviennent tout à fait noires : je sais qu’en dire.


* 176. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À D’HACQUEVILLE.[2]

(Aux Rochers) mercredi 17e juin.

Je vous écris avec un serrement de cœur qui me tue ; je suis incapable d’écrire à d’autres qu’à vous, parce qu’il n’y a que vous qui ayez la bonté d’entrer dans mes extrêmes tendresses. Enfin, voilà le second ordinaire que je ne reçois point de nouvelles de ma fille : je tremble depuis la tête jusqu’aux pieds, je n’ai pas l’usage de raison, je ne dors point, et si je dors, je me réveille avec des sursauts qui sont pires que de ne pas dormir. Je ne puis comprendre ce qui empêche que je n’aie des lettres comme j’ai accoutumé. Dubois me parle de mes lettres qu’il envoie très-fidèlement ; mais il ne m’envoie rien, et

  1. Lettre 175. — 1. Louis de Coulanges, seigneur de Chésières, oncle de Mme de Sévigné. Voyez la Notice, p. 145.
  2. Lettre 176. — 1. Cette lettre a été revue sur l’autographe