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pas y mettre le pied, de peur de me donner de la jalousie de sa nouvelle amie ; et même l’autre jour, pour me donner un entier repos, elle m’en dit beaucoup de mal. Quand il fait beau, cela me fait rire ; mais quand il pleut, je lui donnerois volontiers un soufflet, comme vous fîtes un jour.

Mme de Coulanges me mande qu’elle n’a point de nouvelles de Brancas, sinon que de ses six chevaux de carrosse il ne lui en est resté qu’un, et qu’il est le dernier qui s’en est aperçu. On ne me mande rien de nouveau : notre petite d’Alègre est chez sa mère ; on croit que M. de Seignelai[1] l’épousera. Je crois que vous ne manquerez pas de gens qui vous mandent tout ; pour moi, je méprise les petits événements ; j’en voudrois qui pussent me donner de grands étonnements. J’en ai eu ce matin dans le cabinet de l’abbé. Nous avons trouvé, avec ses jetons qui sont si justes et si bons, que j’aurois eu cinq cent trente mille livres de bien, en comptant mes petites successions. Savez-vous bien que ce que m’a donné notre cher abbé n’ira pas à moins de quatre-vingt mille francs (hélas ! vous croyez bien que je n’ai pas d’impatience de l’avoir) ? et cent mille francs de Bourgogne[2]. Voilà qui est venu

  1. 5. Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelai, fils aîné de Colbert, ministre secrétaire d’État au département de la marine. C’est sous son administration que la marine française fut placée au premier rang. Il aimait les lettres, et ceux qui les cultivaient. La neuvième épître de Boileau lui est adressée. Le projet de mariage dont Mme de Sévigné parle ici se réalisa. Le marquis de Seignelai épousa, le 8 février 1675, Marie-Marguerite d’Alègre ; il la perdit le 16 mars 1678 : voyez la lettre de Mme de Sévigné au comte de Bussy, du 18 mars 1678. Il mourut lui-même le 3 novembre 1690, à trente-neuf ans. Il s’était remarié en septembre 1679 avec Catherine-Thérèse de Matignon, marquise de Lonrai, fille du comte de Thorigny, qui épousa en secondes noces (1696) le comte de Marsan et mourut trois ans après.
  2. 6. C’était la succession du président Frémyot, cousin de Mme de Sévigné. Voyez les lettres 101, 102.