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beau temps, je n’ai rien à vous dire ; il a huit jours qu’il fait ici une pluie continuelle : Je dis continuelle, puisqu’elle n’est interrompue que par des orages. Je ne puis sortir ; mes ouvriers sont dispersés chacun chez soi ; mon fils est à Rennes. Je suis dans une tristesse épouvantable ; la Mousse est tout chagrin aussi : nous lisons, cela nous soutient la vie. Nous avons cru qu’il falloit envoyer votre frère à Rennes voir le premier président[1], et beaucoup d’amis que j°y ai conservés. S’il a du temps, je lui conseillerai aussi d’aller voir M. de Coetquen[2] ; il est en âge de rendre ces sortes de devoirs. Il y eut encore dimanche un bal à Vitré.. J’ai peur qu’il ne trouve de bonne compagnie dix à douze hommes à qui il donna à souper à la Tour de Sévigné[3] ; il les faut souffrir, mais il faut bien se garder de les trouver bons. Il y eut une jolie querelle sur un rien : un démenti se fit entendre, on se jeta entre-deux ; on parla beaucoup, on raisonna peu ; Monsieur le marquis eut l’honneur d’accommoder cette affaire et puis il partit pour Rennes.

Il y a de grandes cabales à Vitré : Mlle de Croque-Oison se plaint de Mlle du Cernet, parce que l’autre jour il y eut des oranges douces à un bal qu’on lui donnoit, dont on ne lui fit point de part. Il faudroit entendre la-dessus Mlle du Plessis et la Launay, comme elles possèdent bien les détails de cette affaire. Mlle du Plessis laisse périr toutes les affaires qu’elle a à Vitré, et ne veut

  1. Voyez la note 4 de la lettre du 5 août suivant.
  2. Malo, marquis de Coetquen et comte de Combourg, était gouverneur de Saint-Malo. Il mourut en avril 1679. Il avait épousé Marguerite de Rohan Chabot, sœur du duc de Rohan, de Mme de Soubise et de Mme d’Espinoy, cadette de l’une, aînée de l’autre. Elle est célèbre par la passion que Turenne eut pour elle… Elle mourut en Bretagne (1720), où elle s’était retirée depuis assez longtemps dans ses terres. Voyez Saint-Simon, tome XVIII, p. 4.
  3. Voyez la note 6 de la lettre du 12 août suivant.