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tié chemin j’eus un grand mal de cœur ; je craignis les suites, je revins sur mes pas, je vomis beaucoup ; voilà de grandes douleurs dans le côté droit, de grands vomissements encore, mes douleurs redoublées et une suppression qui me tenait de la nuit : voilà l’alarme au camp ; on envoie chez Pecquet, qui eut des soins de moi extrêmes ; on envoie chez l’apothicaire, on prépare un demi-bain plein de certaines petites herbes, on m’y met : si j’avois eu dix laquais, ils auroient tous été employés. Je ne songeai point du tout à Mme de la Fayette ; notre petit tapissier, qui alloit chez elle pour travailler, lui dit l’état où j’étois. Je vis arriver Mme de la Fayette, j’étois dans le bain ; elle me dit ce qui l’avoit fait venir, et qu’elle avoit rencontré un laquais de d’Hacqueville, à qui elle avoit dit mon mal, et qu’il me viendroit voir dès qu’il l’auroit appris. Cependant le jour se passe, mais non pas ma colique : pour moi, je passai mal la nuit ; je n’entendois point parler de M. d’Hacqueville ; je sentis son oubli ; j’y pensai, j’en parlai. Le matin je me portai mieux, et mieux à ces maux, c’est être guéri. M. d’Ormesson vint à midi tout effrayé, et me dit que M. d’Hacqueville lui venoit d’apprendre au palais que j’étois fort mal ; il le savoit donc. Je lui écrivis le soir une petite plainte amoureuse ; il fut embarrassé, et me voulut donner de méchantes raisons. Je lui fis voir clair que je n’avois envoyé chez personne, n’étant pas en état d’y songer ; pas même chez Mme de la Fayette : il n’avoua point ce qu’il avoit dit à M. d’Ormesson, qui le rendoit coupable ; et moi, qui suis honnête, et qui l’aime, je ne voulus point le pousser là-dessus, et lui laissai dire qu’il n’avoit appris mon mal que par mon billet. Voilà une belle narration bien divertissante et bien nécessaire ; mais elle est vraie, ma bonne ; il n’y a pas un mot pour un autre, et j’admire qu’il vous ait voulu mander cette bagatelle d’une façon si con-