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joie et toutes mes douleurs. Je vous avoue que le reste de ma vie est couvert d’ombre et de tristesse, quand je songe que je la passerai si souvent éloignée de vous.


173. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 7e juin.

J’ai reçu vos deux lettres avec une sorte de joie qu’il n’est pas aisé d’expliquer dans une lettre. Enfin, ma bonne, je les reçois deux jours après qu’elles sont arrivées à Paris, cela me rapproche de vous. Je voulois vous épargner et vous empêcher d’écrire plus d’une fois la semaine, et moi, je croyois ne le pouvoir qu’une fois, mais puisque vous avez tant de courage, et que vous le prenez par là, vogue la galère ! Je vous jure que vous me ferez un extrême plaisir, et que pour moi, quoique je sois persuadée que vous recevrez mes deux lettres, je ne laisserai pas de vous écrire, et même de nos petites nouvelles d’ici : vous m’aimez assez pour les souffrir. La lettre que vous avez écrite à mon fils n’est pas fricassée dans la neige, comme lui disoit Ninon ; vraiment elle est fricassée dans du sel à pleines mains : depuis le premier mot jusques au dernier, elle est parfaite. Je lui laisse le soin de vous répondre, et de vous dire comme il a réussi dans sa paroisse et dans un bal de Vitré. Nous avons lu Bertrand du Guesclin[1] en quatre jours ; cette lecture nous a divertis.

Vous n’avez pas bien lu : ma calèche ne s’est point rom-

  1. Lettre 173 (revue sur une ancienne copie). — 1. Par Paul Hay du Chastelet, de l’Académie française, 1666, 1 vol. in-folio.