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1671 Il me paroît que vous ne vous êtes point ennuyée à Marseille. Ne manquez pas de me mander comme vous aurez été reçue à Grignan. Ils avoient fait ici une manière d’entrée à mon fils. Vaillant[1] avoit mis plus de quinze cents hommes sous les armes, tous fort bien habillés, un ruban neuf à la cravate. Ils vont en très-bon ordre nous attendre à une lieue des Rochers. Voici un bel incident : Monsieur l’abbé avoit mandé que nous arriverions le mardi, et puis tout d’un coup il l’oublie ; ces pauvres gens attendent le mardi jusqu’à dix heures du soir ; et quand ils sont tous retournés chacun chez eux, bien tristes et bien confus, nous arrivons paisiblement le mercredi, sans songer qu’on eût mis une armée en campagne pour nous recevoir. Ce contre-temps nous a fâchés ; mais quel remède ? Voilà par où nous avons débuté. Mlle du Plessis[2] est tout justement comme vous l’avez laissée ; elle a une nouvelle amie à Vitré, dont elle se pare, parce que c’est un bel esprit qui a lu tous les romans, et qui a reçu deux lettres de la princesse de Tarente[3]. J’ai fait dire méchamment par Vaillant que j’étois jalouse de cette nouvelle amitié, que je n’en témoignerois rien, mais que

  1. 2. Régisseur des Rochers.
  2. 3. Mlle du Plessis d’Argentré. Le château d’Argentré est à une demi-lieue des Rochers. Voyez la Notice, p. 92, et Walckenaer, tome V, p. 460, 338 et suivantes.
  3. 4. Fille de Guillaume V, landgrave de Hesse-Cassel, et d’Amélie-Élisabeth de Nassau Muntzenberg. Elle était née en 1625, et épousa le Ier mai 1648 Henri-Charles de la Trémouille, prince de Tarente, fils du duc de la Trémouille. Elle perdit son mari le 14 septembre de l’année 1672 ; le duc son beau-père ne mourut qu’en janvier 1674. La princesse de Tarente était tante de la reine de Danemark (femme de Christiern V, qui régna de 1670 à 1699), et de la seconde duchesse d’Orléans. Elle mourut à Francfort le 23 février 1693. Voyez la Notice, p. 196, 199, 266, et le chapitre xii du tome V de Walckenaer.