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167. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, ce vendredi r 5e mai.

Me voici encore, ma pauvre bonne, avec tout le chagrin qui accompagne les départs retardés, et les départs qui éloignent de vous encore plus que nous ne sommes. Quelle rage de prendre un chemin opposé à celui de son cœur ! Si jamais je ne vois plus rien entre la Provence et moi, je serai transportée de joie. L’envie continuelle que j’ai de recevoir de vos lettres, et d’apprendre l’état de votre santé, c’est une chose si dévorante pour moi, que je ne sais comme je la pourrai supporter. J’attends dimanche de vos nouvelles, et puis je pars lundi matin. Je suis occupée à donner tous les ordres nécessaires pour en avoir souvent, je pense y avoir réussi autant qu’il se peut. J’ai trouvé dans une petite armoire, en déménageant votre cabinet, cette jolie petite lanterne que vous a donnée M. de Grignan, à qui nous disions si bien :

Madame, Amphitryon, mon maître et votre époux[1].

Ah vraiment, tant y a, je l’ai. Il me prit envie de la faire jouer pour vingt pistoles, si je trouve des femmes assez folles pour cela. Je crois que vous en serez bien d’accord : je la mettrai entre les mains de M. de Coulanges ; mandez-lui votre avis.

Mme de Crussol[2] est grosse, et mille autres ; j’allai hier

    que le Roi lui dit qu’il n’étoit pas assez homme de bien pour conduire les autres, elle répondit : « Sire, il attend, pour le devenir, que Votre Majesté l’ait fait évêque. » (Souvenirs de Mme de Caylus, tome LXVI, p. 415.)

  1. Lettre 167 (revue sur une ancienne copie). — 1. Voyez la première scène de l’Amphitryon de Molière.
  2. 2. Voyez, à la page suivante, la note 4.