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le moment que vous songez à mettre la règle dans votre maison. Ajoutez cette perfection à toutes les autres ; ne vous relâchez point. Il n’est pas question de suivre toujours les beaux sentiments ; il faut avoir pitié de soi, et avoir de la générosité pour soi-même, comme on en a pour les autres. En un mot, continuez tous vos bons commencements, et amusez-vous à vous conserver, et à bien conduire vos affaires. J’espère que le voyage de notre abbé, en quelque temps que ce soit, ne vous sera pas inutile. Adieu, ma très-chère ; j’attends avec des impatiences vives des nouvelles de votre santé et de votre voyage.


166. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, ce mercredi 13e mai.

Je reçois votre lettre de Marseille, ma chère bonne ; jamais une relation ne m’a tant amusée. Je lisois avec plaisir et avec attention (je suis fâchée de vous le dire, car vous n’aimez pas cela, mais vous narrez très-agréablement) : je lisois donc votre lettre vite, par impatience, et je m’arrêtois tout court, pour ne la pas dévorer si promptement ; je la voyois finir avec douleur, et douleur de toute manière ; car je ne vois que de l’impossibilité à votre retour, moi qui ne fais que le souhaiter. Ne m’en ôtez pas, ma chère bonne, ni à vous-même, du moins l’espérance. Pour moi, j’irai très-assurément vous voir, avant que vous preniez aucune résolution là-dessus : ce voyage est nécessaire à ma vie.

Vous avez donc, ma bonne, été bien étourdie de tant de canons et du hou des galériens ; vous y avez reçu des honneurs comme la Reine, et moi, plus que je ne vaux : je n’ai jamais vu une telle galanterie que de donner mon