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tout son bien, et c’est pour cela que vous avez très-bien fait de lui renvoyer honnêtement sa lettre de crédit. Adieu, ma bonne, je vous baise et je vous embrasse.


165. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 8e mai.

Me voilà encore, et je ne puis partir que dans huit jours. L’incertitude du camp de Lorraine, pour mener ou pour ne mener pas mon fils, fait toute la mienne, et me donne de l’ennui. J’en ai beaucoup plus encore de votre santé : votre voyage de Marseille me trouble ; l’air de la petite vérole et le bruit des canons me donnent une inquiétude qui n’est que trop juste. Si je ne vais point m’en soulager par être auprès de vous, vous me serez bien plus obligée, ma fille, que si je traversois la France. L’état où je suis, et où je vais être, est dur à soutenir ; et rien ne seroit capable de m’arrêter que les raisons que vous savez, et dont nous sommes en confidence, notre cher ami[1] et moi. Je sens quelque consolation de l’avoir pour témoin de tous mes sentiments, non pas que j’en aie besoin auprès de vous, mais j’aime à mettre mes sentiments les plus chers en dépôt entre les mains d’un homme comme lui.

Je fus hier longtemps chez Mme du Puy-du-Fou. Sérieusement elle vous aime, et vous lui êtes obligée des soins et des prévoyances qu’elle a pour vous. Son cœur n’en sait pas davantage ; mais dans cette étendue elle fait parfaitement bien. L’abbé est ravi de vous voir appliquée à vos affaires ; il vous trouve digne de tous ses soins, dès

  1. Lettre 165. — 1. M. d’Hacqueville. (Note de Perrin.) — Voyez la fin de la lettre 169.