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1671

eu soin de divertir et de consoler sa mère ; elle l’en a remerciée par une lettre d’une manière qui m’a surprise. Mme de Rohan m’a bien fait souvenir d’une partie de mes douleurs dans la séparation de sa fille. Elle croit qu’elle est grosse : c’est un paquet bien commode dans un voyage de la cour.

Mais, ma bonne, pourquoi avez-vous été à Marseille ? Monsieur de Marseille mande ici qu’il y a de la petite vérole : puis-je avoir un moment de repos que je ne sache comme vous vous portez ? De plus on vous aura tiré du canon qui vous aura émue : cela est très-dangereux. On dit que de Biez accoucha l’autre jour d’un coup de pistolet, qu’on tira dans la rue. Vous aurez été dans des galères, vous aurez passé sur des petits ponts, le pied peut vous avoir glissé, vous serez tombée : voilà les horreurs de la séparation ; on est à la merci de toutes ces pensées ; on peut croire sans folie que tout ce qui est possible peut arriver : toutes les tristesses des tempéraments sont des pressentiments, tous les songes sont des présages, toutes les prévoyances sont des avertissements ; enfin c’est une douleur sans fin.

Je ne suis point encore partie ; vous vous moquez : je ne suis qu’à deux cents lieues de vous. Je partirai entre ci et la Pentecôte[1] ; je la passerai, ou à Chartres, ou à Malicorne[2] ; mais sûrement point à Paris. Je serois partie plus tôt ; mais mon fils m’a arrêtée pour savoir s’il viendroit avec moi. Enfin il y vient, et nous attendons les chevaux qu’il fait venir de Lorraine. Ils arriveront aujourd’hui, et je pars la semaine qui vient. Vous êtes aimable d’entrer comme vous faites dans la tristesse de mon voyage ; elle


    fit la fortune de sa maison. Sa mère était Marguerite, duchesse de Rohan. Voyez la note 3 de la lettre 121 et la note 10 de la lettre 152.

  1. 7. La Pentecôte, en 1671, était le 17 mai.
  2. 8. Voyez la note 3 de la lettre 170.