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seconde qu’on le jugeoit[1] : cette folie a fort réjoui les sénateurs ; je crois qu’elle lui a fait gagner son procès.

Ma chère enfant, que dites-vous de l’infinité de ma lettre ? Si je voulois, j’écrirois jusqu’à demain. Conservez-vous, ma chère bonne, c’est ma ritournelle continuelle ; ne tombez point ; gardez quelquefois le lit. Depuis que j’ai donné à la petite une nourrice comme du temps de François Ier[2], je crois que vous devez honorer tous mes conseils. Pensez-vous que je ne vous aille point voir cette année ? J’avois rangé tout cela d’une autre façon, et même pour l’amour de vous ; mais votre litière me redérange tout : le moyen de ne pas courir dès cette année, si vous le souhaitez un peu ? Hélas ! c’est bien moi qui dois dire qu’il n’y a plus de pays fixe pour moi, que celui où vous êtes. Votre portrait triomphe sur ma cheminée ; vous êtes adorée présentement en Provence, et à Paris, à la cour, et à Livry. Enfin, ma bonne, il faut bien que vous soyez ingrate : le moyen de rendre tout cela ? Je vous embrasse et vous aime, et vous le dirai toujours, parce que c’est toujours la même chose. J’embrasserois ce fripon de Grignan, si je n’étois fâchée contre lui.

Maître Paul[3] mourut il y a huit jours ; notre jardin en est tout triste.


163. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 1er mai.

Je gardois votre secret comme si vous aviez dérobé

  1. 14. Le parlement de Paris était composé de la grand’chambre, de la Tournelle, de cinq chambres des enquêtes, de la première et de la seconde chambre des requêtes du Palais.
  2. 15. Voyez la lettre 153, p. 151 et suivantes.
  3. 16. Jardinier de Livry. (Note de Perrin.)