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1671

musa fort hier au soir. Mais n’avez-vous point trouvé jolies les cinq ou six fables de la Fontaine, qui sont dans un des tomes que je vous ai envoyés[1] ? Nous en étions l’autre jour ravis chez M. de la Rochefoucauld. Nous apprîmes par cœur celle du Singe et du Chat :

D’animaux malfaisants c’étoit un très-bon plat ;
Ils n’y craignoient tous deux aucun, tel qu’il pût être.
Trouvoit-on quelque chose au logis de gâté,
On ne s’en prenoit point à ceux du voisinage :
Bertrand déroboit tout ; Raton, de son côté,
Étoit moins attentif aux souris qu’au fromage.

Et le reste. Cela est peint ; et la Citrouille, et le Rossignol[2], cela est digne du premier tome. Je suis bien folle de vous écrire de telles bagatelles : c’est le loisir de Livry qui vous tue.

Vous avez écrit un billet admirable à Brancas ; il vous écrivit l’autre jour une main tout entière de papier : c’étoit une rapsodie assez bonne ; il nous la lut à Mme de Coulanges et à moi. Je lui dis : « Envoyez-le-moi donc tout achevé pour mercredi. » Il me dit qu’il n’en feroit rien, qu’il ne vouloit pas que vous le vissiez ; que cela étoit trop sot et misérable. « Pour qui nous prenez-vous ? vous nous l’avez bien lu. — Tant y a que je ne veux pas qu’elle le lise. » Jamais il ne fut si fou. Il sollicita l’autre jour un procès à la première des enquêtes ; c’étoit à la

  1. 12. Fables nouvelles et autres poésies de M. de la Fontaine, Paris, D. Thierry, 1671. Ce volume contient la première édition de huit fables et de quelques autres poésies. Voyez la fin de la lettre du 13 mars précédent, p. 109. — Mme de-Sévigné cite de mémoire : on lit dans la Fontaine, dès l’édition de 1671 : quel qu’il pût être, et deux vers plus bas :

    L’on ne s’en prenoit point aux gens du voisinage.

  2. 13. Le Gland et la Citrouille, le Milan et le Rossignol, qui sont la sixième et la septième fable du Recueil. — Le premier tome dont il est parlé ensuite est de 1668.