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tera à notre commerce. Si vous êtes grosse, comptez que je n’ai plus aucun dessein que de faire ce que vous voudrez ; je ferai ma règle de vos desirs, et laisserai tout autre arrangement et toute autre considération à mille lieues de moi. Je crois que le chapitre de votre frère vous a divertie ; il est présentement en quelque repos. Il voit pourtant Ninon tous les jours, mais c’est un ami. Il entra l’autre jour avec elle dans un lieu où il y avoit cinq ou six hommes ; ils firent tous une mine qui la persuada qu’ils le croyoient possesseur ; elle connut leurs pensées, et leur dit : « Messieurs, vous vous damnez[1], si vous croyez qu’il y ait du mal entre nous ; je vous assure que nous sommes comme frère et sœur. » Il est vrai qu’il est comme fricassé ; je l’emmène en Bretagne, où j’espère que je lui ferai retrouver la santé de son corps et de son âme : nous ménageons, la Mousse[2] et moi, de lui faire faire une bonne confession.
M. et Mme de Villars et la petite Saint-Géran sortent d’ici, et vous font mille et mille amitiés. Ils veulent la copie de votre portrait qui est sur ma cheminée, pour la porter en Espagne[3]. Ma petite enfant a été tout le jour dans ma chambre, parée de ses belles dentelles, et faisant l’honneur du logis : ce logis qui me fait tant songer à vous, où vous étiez il y a un an comme prisonnière ; ce logis que tout le monde vient voir, que tout le monde admire, et que personne ne veut louer[4]. Je soupai l’autre jour chez la marquise d’Uxelles, avec Mme la
- ↑ LETTRE 162. — 1. Dans l’édition de 1734, on lit : vous vous trompez, au lieu de vous vous damnez, qui est le texte de 1754.
- ↑ 2. Pierre de la Mousse, prêtre, docteur en théologie, prieur de la Groslé. Il était très-probablement fils naturel du père de Mme de Coulanges. Voyez la Notice, p. 90, 91, et Walckenaer, tome IV, p. 190 et 349.
- ↑ 3. Le marquis de Villars venait d’être nommé ambassadeur en Espagne.
- ↑ 4. Voyez la lettre 136, p. 70, et la lettre 153, p. 150.