Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 183 —

1671

160. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, ce vendredi 24e avril.

Voilà le plus beau temps du monde ; il commença dès hier après des pluies épouvantables. C’est le bonheur du Roi, il y a longtemps que nous l’avons observé ; et c’est pour cette fois aussi le bonheur de Monsieur le Prince, qui a pris ses mesures à Chantilly pour l’été et le printemps ; la pluie d’avant-hier auroit rendu toutes ses dépenses ridicules. Sa Majesté y arriva hier au soir ; elle y est aujourd’hui. D’Hacqueville y est allé, qui vous fera une relation à son retour ; pour moi, j’en attends une petite ce soir, que je vous enverrai avec cette lettre, que j’écris le matin avant que d’aller en Bavardin[1] ; je ferai mon paquet au faubourg. Si l’on dit, ma bonne, que nous parlons dans nos lettres de la pluie et du beau temps, on aura raison : j’en ai fait d’abord un assez grand chapitre.

Vous ne me parlez point assez de vous : j’en suis nécessiteuse, comme vous l’êtes de folies ; je vous souhaite toutes celles que j’entends ; pour celles que je dis, elles ne sont plus bonnes depuis que vous ne m’aidez plus : vous m’en inspirez, et quelquefois aussi je vous en inspire. C’est une longue tristesse, et qui se renouvelle souvent, que d’être loin d’une personne comme vous. J’ai dit des adieux de quelques jours ; on trouve bien de la constance. Ce qui est plaisant, c’est que je sentirai que je n’en aurai point pour vous dire adieu d’ici en partant pour la Bretagne ; vous serez mon adieu sensible, dont je pourrois, si j’étois une friponne, faire un grand honneur à mes

  1. Lettre 160 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. Voyez la note 8 de la lettre 155.