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mange donc ici mes petits œufs frais à l’oseille. Après dîner, j’irai un peu au faubourg[1], et je joindrai à cette lettre ce que j’apprendrai, pour vous divertir.

J’ai reçu une fort jolie lettre du Coadjuteur ; il est seulement fâché que je l’appelle Monseigneur ; il veut que je l’appelle Pierrot ou Seigneur Corbeau. Je vous recommande toujours bien, ma fille, d’entretenir l’amitié qui est entre vous. Je le trouve fort touché de votre mérite, prenant grand intérêt à toutes vos affaires ; en un mot, d’une application et d’une solidité qui vous sera d’un grand secours.

Mon[2] fils n’est pas encore guéri de ce mal qui fait douter ses précieuses maîtresses de sa passion. Il me disoit hier au soir que, pendant la semaine sainte, il avoit été si véritablement dévergondé, qu’il lui avoit pris un dégoût de tout cela, qui lui faisoit bondir le cœur ; il n’osoit y penser, il avoit envie de vomir. Il lui sembloit toujours de voir autour de lui des panerées de tetons, et quoi encore ? des tetons, des cuisses, des panerées de baisers, des pane-


    à mai 1689 ambassadeur extraordinaire à Rome. Veuf depuis l’année 1670 de Françoise-Paule d’Albert (fille du duc de Luynes et de Marie-Louise Seguier marquise d’O), il se remaria le 12 juin 1680 avec Louise-Anne de Noailles, fille d’Anne, premier duc de Noailles, et sœur d’Anne-Jules et de Louis-Antoine, qui devinrent l’un maréchal, l’autre cardinal archevêque de Paris. Le marquis de Lavardin mourut le 29 août 1701 ; sa seconde femme huit ans avant lui, en 1693. Voyez sur lui la Notice, p. 158.

  1. 6. Chez Mme de la Fayette : voyez la note 7 de la lettre 132 et ci-après la reprise de la lettre.
  2. 7. Cet alinéa, jusqu’aux mots : il mouroit, est la seule partie de cette lettre qui se trouve dans notre manuscrit. L’une des éditions de 1726, celle de la Haye, ne donne aussi que ce morceau, plus long seulement de quelques lignes (jusqu’à la fin de l’alinéa suivant). Les éditeurs de la Haye ont tempéré l’incroyable confidence par les mêmes retranchements que le chevalier Perrin. Ils n’ont de plus que lui que la fin de la phrase : « Il étoit comme les chevaux rebutés d’avoine. » — Voyez la Notice, p. 119 et 120.