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1671 Écrivez-moi quelque petite amitié pour Pecquet[1] : il a eu des soins extrêmes de ma petite-fille. J’espère que je recevrai encore ici la réponse de cette lettre. Elle est jolie, cette pauvre petite : elle vient le matin dans ma chambre ; elle rit, elle regarde, elle baise toujours un peu malhonnêtement, mais peut-être que le temps la corrigera. Je l’aime, elle m’amuse ; je la quitterai avec regret ; elle a une nourrice admirable.

La lettre que vous écrivez à votre frère est admirable aussi, et celle de M. de Coulanges : j’aime vos lettres passionnément. Vous avez très-bien deviné : votre frère est dans le bel air par-dessus les yeux ; point de pâques, point de jubilé, avaler le péché comme de l’eau : tout cela est admirable. Je n’ai rien trouvé de bon en lui, que la crainte de faire un sacrilége : c’étoit mon soin aussi que de l’en empêcher ; mais la maladie de son âme est tombée sur son corps, et ses maîtresses sont d’une manière à ne pas supporter cette incommodité avec patience : Dieu fait tout pour le mieux. J’espère qu’un voyage en Lorraine rompra toutes ces vilaines chaînes. Il est plaisant, il dit qu’il est comme le bonhomme Eson[2] ; il veut se faire bouillir dans une chaudière avec des herbes fines pour se ravigoter un peu. Il me conte toutes ses folies, je le gronde, et je fais scrupule de les écouter ; et pourtant je les écoute. Il me réjouit, il cherche à me plaire ; je connois la sorte d’amitié qu’il a pour moi. Il est ravi, de ce qu’il dit, de celle que vous me témoignez ; il me donne mille attaques en riant de l’attachement que j’ai pour vous : je vous avoue, ma bonne, qu’il est grand, quand même je le cache. Je vous avoue encore une autre chose, c’est que je crois que vous m’aimez : vous me paroissez

  1. 13. Voyez la note 5 de la lettre 65.
  2. 14. Le vieux père de Jason, rajeuni par Médée.