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désert. À propos de désert, je crois qu’Adhémar vous aura mandé comme le laquais du Coadjuteur, qui étoit à la Trappe, est revenu à demi fou, n’ayant pu supporter les austérités : on cherche un couvent de coton pour le mettre, et le remettre de l’état où il est. Je crains que cette Trappe[1], qui veut surpasser l’humanité, ne devienne les Petites-Maisons.

Je pleurois amèrement en vous écrivant à Livry, et je pleure encore en voyant de quelle manière tendre vous avez reçu ma lettre, et l’effet qu’elle a fait dans votre cœur[2]. Les petits esprits[3] se sont bien communiqués, et sont passés bien fidèlement de Livry en Provence. Si vous avez les mêmes sentiments, ma pauvre bonne, toutes les fois que je suis sensiblement touchée de vous, je vous plains, et vous conseille de renoncer à la sympathie. Je n’ai jamais rien vu de si aisé à trouver que ma tendresse pour vous : mille choses, mille pensées, mille souvenirs me traversent le cœur ; mais c’est toujours de la manière que vous pouvez le souhaiter : ma mémoire ne me représente rien que de doux et d’aimable ; j’espère que la vôtre fait de même.

Je suis aise que vous ayez des comédiens ; cela divertit : vous pouvez, ce me semble, les perfectionner. Pourquoi avez-vous laissé mourir la Canette beauté[4], et du pourpre encore ? Conservez-vous ; si quelqu’un tombe malade chez vous, envoyez-le à la ville.

Ne vous mettez point en peine de mes petits maux ; je m’en accommode fort bien, mais vous qui parlez n’en avez-vous point ? Vous sentez par vous-même que l’on songe à tout, et que l’on s’inquiète de tout quand on aime.

  1. 9. Voyez la note 6 de la lettre 146.
  2. 10. Voyez la lettre datée de Livry, du 26 mars 1671, p. 129.
  3. 11. Voyez la note 10 de la lettre du 5 juillet suivant.
  4. 12. Mme du Canet, nommée au commencement de la lettre 146 ?