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s’en peut taire. Mais surtout essayez de vendre une terre[1] ; il n’y a point d’autre ressource pour vous. Je ne pense qu’à vous ; si, par un miracle que je n’espère ni ne veux, vous étiez hors de ma pensée, il me semble que je serois vide de tout, comme une figure de Benoît[2].

Voilà une lettre que j’ai reçue de Monsieur de Marseille. Voilà ma réponse ; je crois qu’elle sera à votre gré, puisque vous la voulez si franche et si sincère, et conforme à cette amitié que vous vous êtes jurée, « dont la dissimulation est le lien, et votre intérêt le fondement. » Cette période est de Tacite ; jamais je n’ai rien vu de si beau. J’entre donc dans ce sentiment, et je l’approuve, puisqu’il le faut.

À neuf heures du soir.

Je reviens fermer mon paquet, après m’être promenée aux Tuileries, avec une chaleur à mourir, et dont je suis triste parce qu’il me semble que vous avez encore plus


    de France, né le 25 juillet 1642, fils d’Hercule Grimaldi IIe du nom, marquis de Baux, et de Marie-Aurélie Spinola de Molsette ; petit-fils de celui à qui Louis XIII donna le duché de Valentinois. Il avait épousé le 30 mars 1660 Catherine-Charlotte de Gramont, fille d’Antoine, duc et maréchal, sœur du comte de Guiche et du comte de Louvigny (plus tard duc de Gramont). Il fut nommé ambassadeur à Rome en 1698, et y mourut le 3 janvier 1701. Sa femme mourut à Paris le 5 juin 1678, à trente-neuf ans. « C’étoit un Italien glorieux, fantasque, avare, fort bon homme, mais qui n’étoit pas fait pour les affaires, avec cela gros comme un muid, et ne voyoit pas jusqu’à la pointe de son ventre. Il avoit passé sa vie en chagrins domestiques, d’abord de la belle Mme de Monaco, sa femme, si amie de la première femme de Monsieur et si mêlée dans ses galanteries, et elle-même si galante, et qui, pour se tirer d’avec son mari, se fit surintendante de la maison de Madame [de Bavière]. » (Mémoires de Saint-Simon, tome III, p. 64.)

  1. 16. Voyez la lettre du 21 juin suivant.
  2. 17. Fameux artiste pour les figures de cire. (Note des éditions de 1726.)