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toutes les exécutions. Mme de Crussol[1] vint lundi à Saint-Germain, coiffée à la mode ; elle alla au coucher de la Reine, et lui dit : « Madame, Votre Majesté a donc pris notre coiffure ? — Votre coiffure, Madame ? lui répliqua la Reine. Je vous assure que je ne veux point prendre votre coiffure ; je me suis fait couper les cheveux, parce que le Roi les trouve mieux ainsi, mais ce n’est point pour prendre votre coiffure. » On fut un peu surpris du ton avec lequel la Reine lui répondit. Mais regardez un peu aussi où elle alloit prendre que c’étoit sa coiffure, parce que c’est celle de Mme de Montespan, de Mme de Nevers, et de la petite de Thianges[2], et de deux ou trois autres beautés charmantes qui l’ont hasardée les premières. Je vous ai vue vingt fois prête à l’inventer ; cela me fait croire que vous n’aurez point de peine à comprendre ce que nous vous en écrivons. Mme de Soubise[3], qui craint pour ses dents, parce qu’elle a déjà été une fois attrapée aux coiffures à la paysanne, ne s’est point

  1. 8. Julie-Françoise de Sainte-Maure, fille unique du duc de Montausier et de Julie d’Angennes ; mariée le 16 mars 1664 à Emmanuel comte de Crussol, duc d’Uzès en 1680. Elle fut dame du palais l’année suivante (1672). Elle mourut à l’âge de quarante-huit ans, le 14 avril 1695 ; elle était veuve depuis 1692.
  2. 9. Louise-Adélaïde de Damas, fille du marquis de Thianges, sœur cadette de la duchesse de Nevers, et nièce de Mme de Montespan, mariée au duc de Sforce en novembre 1677. Voyez la lettre du 15 octobre 1677. « Elle n’avoit que de la blancheur, d’assez beaux yeux, et un nez tombant dans une bouche fort vermeille, qui fit dire à M. de Vendôme qu’elle ressembloit à un perroquet qui mange une cerise. » (Souvenirs de Mme de Caylus, tome LXVI, p. 403.)
  3. 10. Anne, dame de Soubise, fille de Henri Chabot, duc de Rohan, et de Marguerite, duchesse de Rohan ; seconde femme, le 16 octobre 1663, de François de Rohan (qui devint prince de Soubise), fils puîné d’Hercule de Rohan, duc de Montbazon, et de la fameuse Marie de Bretagne. Elle fut nommée, en janvier 1674, dame du palais de la Reine, et mourut quelques années avant son mari, le 14 février 1709, à soixante et un ans. Sur sa beauté, sa liaison secrète