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je ferai coiffer une poupée pour vous envoyer ; et puis, au bout de tout cela, je meurs de peur que vous ne daigniez point prendre toute cette peine, et que vous ne mettiez une coiffe jaune comme une petite chère[1]. Ce qui est vrai, c’est que la coiffure que fait Montgobert n’est plus supportable. Du reste, consultez votre paresse et vos dents ; mais ne m’empêchez pas de souhaiter de pouvoir vous voir coiffée ici comme les autres. Je vous vois, vous me paroissez, et cette coiffure est faite pour vous ; mais qu’elle est ridicule à de certaines dames, dont l’âge ou la beauté ne conviennent pas !

de madame de la troche.

Madame de Sévigné a voulu avoir l’avantage de vous décrire cette coiffure ; mais, ma belle, c’est moi qui lui ai dicté. Madame, vous serez ravissante ; tout ce que je crains, c’est que vous ayez regret à vos cheveux. Pour vous fortifier, je vous apprends que la Reine, et tout ce qu’il y a de filles et de femmes qui se coiffent à Saint-Germain, achevèrent de se les faire couper hier par la Vienne[2] ; car c’est lui et Mlle de la Borde qui ont fait


    prodigieusement ; il en falloit beaucoup en ce temps-là, quand on ne vouloit rien emprunter. On portoit sur le front de petites boucles, de grosses aux deux côtés du visage, et tout autour de la tête un gros bourrelet de cheveux cordonné avec des rubans ou des perles, qui en avoit. » (Histoire de la comtesse des Barres par l’abbé de Choisy, p. 12-14, citée par Walckenaer, tome IV, p. 380.)

  1. 6. Une précieuse, jeune au temps de l’hôtel de Rambouillet, une petite femme sur le retour. Ce terme d’amitié (le mot chère), que les précieuses se prodiguaient entre elles, avait bientôt servi à les désigner elles-mêmes.
  2. 7. La Vienne, baigneur à la mode, était devenu celui du Roi, et plus tard l’un de ses quatre premiers valets de chambre. Le Roi aimait sa franchise, lui parlait souvent, et savait par lui des choses que personne n’aurait osé lui dire. Voyez les Mémoires de Saint-Simon, tome I, p. 275, et la note 2 de la lettre 29.