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que vous faites ; je les distribue à propos ; on vous en fait toujours cent mille. Vous êtes toute vive partout. Je suis ravie de savoir que vous êtes belle ; je voudrois bien vous baiser ; mais quelle folie de mettre toujours cet habit bleu !


150. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 1er avril.

Je revins hier de Saint-Germain[1]. J’étois avec Mme d’Arpajon. Le nombre de ceux qui me demandèrent de vos nouvelles est aussi grand que celui de tous ceux qui composent la cour. Je pense qu’il est bon de distinguer la Reine, qui fit un pas vers moi, et me demanda des nouvelles de ma fille, et qu’elle avoit ouï dire que vous aviez pensé vous noyer. Je la remerciai de l’honneur qu’elle vous faisoit de se souvenir de vous. Elle reprit la parole, et me dit : « Contez-moi comme elle a pensé périr. » Je me mis à lui conter cette belle hardiesse de vouloir traverser le Rhône par un grand vent, et que ce vent vous avoit jetée rapidement sous une arche, à deux doigts du pilier, où vous auriez péri mille fois, si vous y aviez touché. Elle me dit : « Et son mari étoit-il avec elle ? — Oui, Madame, et Monsieur le Coadjuteur aussi. — Vraiment ils ont grand tort, » et fit des hélas, et dit des choses très-obligeantes pour vous. Il vint ensuite bien des duchesses, entre autres la jeune Ventadour, très-belle et jolie. On fut quelques moments sans lui apporter ce divin tabouret. Je me tournai vers le grand maître[2], et

  1. Lettre 150. — 1. L’édition de la Haye ajoute : « et j’écrivis les nouvelles que j’y avois apprises. »
  2. 2. Henri de Daillon, comte, puis, en 1675, duc du Lude, grand