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avons, lui et moi, les mêmes symptômes. Il me mande que vous m’aimez : je pense que vous ne doutez pas que ce ne me soit une chose agréable au delà de tout ce que je puis souhaiter en ce monde ; et par rapport à vous, jugez de l’intérêt que je prends à votre affaire. C’en est fait présentement, et je tremble d’en apprendre le succès.
Le maréchal d’Albret[1] a gagné un procès de quarante mille livres de rente en fonds de terre. Il rentre dans tout le bien en fonds de ses grands-pères, et ruine tout le Béarn. Vingt familles avoient acheté et revendu ; il faut rendre tout cela avec tous les fruits depuis cent ans : c’est une épouvantable affaire pour les conséquences. Adieu, ma très-chère ; je voudrois bien savoir quand je ne penserai plus tant à vous et à vos affaires. Il faut répondre :
Comment vous le pourrois-je dire ?
Rien n’est plus incertain que l’heure de la mort[2].
Je suis fâchée contre votre fille ; elle me reçut mal hier ; elle ne voulut jamais rire. Il me prend quelquefois envie de la mener en Bretagne pour me divertir. Adieu, petit démon qui me détournez ; je devrois être à ténèbres il y a plus d’une heure.
Mon cher Grignan, je vous embrasse. Je ferai réponse à votre jolie lettre.
Je vous remercie, ma bonne, de tous les compliments
- ↑ 5. Voyez la note 3 de la lettre 90. — Le maréchal d’Albret descendait d’Étienne (fils naturel, légitimé en 1527, du cinquième fils de Charles II, sire d’Albret), et de Jeanne de Béarn, héritière de Miossens.
- ↑ 6. Ce sont les deux vers qui terminent ce joli madrigal de Montreuil, qui est resté dans le souvenir des gens de goût :
Pourquoi me demandez-vous tant
Si mes feux dureront, si je serai constant ?
Jusques à quand mon cœur vivra sous votre empire ?
Ah ! Philis, vous avez grand tort,
Comment vous le pourrois-je dire ? etc.