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agréablement, je pense qu’on doit être bien aise de s’en acquitter comme vous faites.

Je tremble quand je songe que votre affaire pourroit ne pas réussir. Il faut que M. le premier président fasse l’impossible. Je ne sais plus où j’en suis de Monsieur de Marseille ; vous avez très-bien fait de soutenir le personnage d’amie, il faut voir s’il en sera digne.

Si j’avois présentement un verre d’eau sur la tête, il n’en tomberoit pas une goutte. Si vous aviez vu votre homme de Livry le jeudi saint, c’est bien pis que toute l’année. Il avoit hier la tête plus droite qu’un cierge, et ses pas étoient si petits qu’il ne sembloit pas qu’il marchât[1].

J’ai entendu la Passion du Mascaron, qui en vérité a été très-belle et très-touchante. J’avois grande envie de me jeter dans le Bourdaloue ; mais l’impossibilité m’en a ôté le goût : les laquais y étoient dès mercredi, et la presse étoit à mourir. Je savois qu’il devoit redire celle que M. de Grignan et moi entendîmes l’année passée aux Jésuites ; et c’étoit pour cela que j’en avois envie : elle étoit parfaitement belle, et je ne m’en souviens que comme d’un songe. Que je vous plains d’avoir eu un méchant prédicateur ! Mais pourquoi cela vous fait-il rire ? J’ai envie de vous dire encore ce que je vous dis une fois : « Ennuyez-vous, cela est si méchant. »

Je n’ai jamais pensé que vous ne fussiez pas très-bien avec M. de Grignan ; je ne crois pas avoir témoigné que j’en doutasse. Tout au plus je souhaitois d’en entendre un mot de lui ou de vous, non point par manière de nouvelle, mais pour me confirmer une chose que je souhaite avec tant de passion. La Provence ne seroit pas supportable sans cela, et je comprends bien les craintes qu’il a de vous y voir languir et mourir d’ennui. Nous

  1. 4. Voyez le second alinéa de la lettre du 30 mai 1672.