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ceux qu’on n’aime pas. Ah ! ma bonne, qu’il y a de la différence de ce que je sens pour vous, et de ce qu’on sent pour ceux qu’on n’aime pas ! et vous voulez après cela que je lise de sang-froid ce péril que vous avez couru ? J’en ai été encore plus effrayée par les lettres qu’on m’a montrées d’Avignon et d’ailleurs, que par les vôtres. Je comprends bien le dépit qui fit dire à M. de Grignan : « Vogue la galère ! » En vérité, vous êtes quelquefois capable de mettre au désespoir. Si vous m’aviez caché cette aventure, je l’aurois apprise d’ailleurs, et je vous en aurois su fort mauvais gré. Je vous avoue que je serai fort mécontente de Monsieur de Marseille, s’il ne fait ce que nous souhaitons. Il a beau dire, je ne tâte point de son amour pour la Provence. Quand je vois qu’il ne dit rien pour empêcher les quatre cent cinquante mille francs[1], et qu’il ne s’écrie que sur une bagatelle, je suis sa servante très-humble. J’ai une extrême impatience de savoir ce qui sera enfin résolu.

Prenez garde que votre paresse ne vous fasse perdre votre argent au jeu : ces petites pertes fréquentes sont de petites pluies qui gâtent bien les chemins.

Je crains plus que vous mon voyage de Bretagne : il me semble que ce sera encore une autre séparation, une douleur sur une douleur, une absence sur une absence ; enfin je commence de m’affliger tout de bon. Ce sera vers le commencement de mai. Pour mon autre voyage[2], dont vous m’assurez que le chemin est libre, vous savez qu’il dépend de vous ; je vous l’ai donné. Vous manderez à d’Hacqueville en quel temps vous voulez qu’il soit placé.

Vous ne me mandez point si vous êtes malade ou en santé : il y a des choses à quoi il faut répondre.

  1. 2. Demandés à l’Assemblée des Communautés pour le Roi.
  2. 3. En Provence.