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Dites un petit mot dans une de vos lettres de Mme de Lavardin ; elle est toujours enthousiasmée de votre mérite, et moi, mon enfant, de la tendresse que j’ai pour vous. Si je ne vous en parle pas assez à mon gré, c’est par discrétion ; mais, en un mot, vous m’occupez tout entière, et sans vous donner aucun rendez-vous d’esprit, comme Mlle de Scudéry, soyez assurée que vous ne sauriez penser à moi en aucun temps que je ne pense à vous ; vous n’y sauriez penser à faux, ma petite. Mais regardez un peu la lune, cette lune que je regarde aussi ; nous voyons la même chose, quoique à deux cents lieues loin l’une de l’autre.


148. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, ce lundi 23e mars.

N’est-il pas cruel, ma chère bonne, de n’avoir pas encore reçu vos lettres ? Voilà M. de Coulanges qui a reçu les siennes, et qui me vient insulter. Il m’a montré votre réponse à l'Ex-voto. Ah ! que vous écrivez à ma fantaisie ! Elle est tellement à mon gré, que je l’ai lue et relue avec plaisir. Cet Ex-voto, qui fut fait sur le bout de la table où je vous écrivois, il me réjouit fort, et me fit souvenir du jour que je fus si malheureusement pendue. Vous en souvient-il ? Combien vous me fûtes cruelle ce jour-là ! Vous me condamnâtes sans miséricorde, et toute la sollicitation de d’Hacqueville ne put pas même vous obliger à revoir mon procès. Il est vrai que je fis une grande faute, mais aussi d’être pendue haut et court, comme je le fus, c’étoit une grande punition. La chanson de M. de Coulanges étoit bonne aussi ; il y a plaisir à vous envoyer de jolies choses, vous y répondez délicieusement. Vous