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1671 D’Hacqueville vous a envoyé une assez plaisante chanson sur M. de Longueville : c’est à l’imitation d’un certain récit de ballet que vous ne connoissez point, et que je vous ai dit qui étoit le plus beau du monde[1]. Je le sais, et je le chante bien.

La lettre que vous avez écrite à Guitaut est fort jolie ; j’aime passionnément vos lettres. Si les miennes vous peignent bien ce que je dis, et que vous croyiez le voir, vous serez satisfaite des chanoines de Guinée.

On domna l’autre jour au P. Desmares[2] un billet en montant en chaire ; il le lut avec ses lunettes. C’étoit :

De par Monseigneur de Paris,
On déclare à tous les maris
Que leurs femmes on baisera,
                 Alleluia !

Il en lut plus de la moitié : on pensa mourir de rire. Il y a des gens de bonne humeur, comme vous voyez.

Je crois que vous savez que Mademoiselle a chassé Guilloire ; le pauvre Segrais ne tient à guère : c’est qu’ils ont témoigné trop librement leurs sentiments sur M. de Lauzun[3].

  1. 7. Voyez la note 3 de la lettre 136.
  2. 8. Toussaint Desmares, de l’Oratoire, prédicateur célèbre, et favorable aux opinions jansénistes. Il a composé avec dom Rivet le Nécrologe de Port-Royal. Longtemps interdit, il remonta en chaire à Saint-Roch, en 1669. Boileau a rendu hommage à son éloquence dans sa Xe Satire (1694) :

    Desmares, dans Saint-Roch, n’auroit pas mieux prêché.

    Il mourut en 1687, âgé de quatre-vingt-sept ans.

  3. 9. Guilloire était médecin de Mademoiselle, et Segrais, son gentilhomme ordinaire. Sur ce que raconte ici Mme de Sévigné, voyez les Mémoires de Mademoiselle, t. IV, p. 261, et, à la page 263, une citation de Segrais, qui se défend d’avoir voulu dissuader Mademoiselle d’épouser Lauzun : « Je n’y ai jamais songé, parce que je ne le devois pas, étant son domestique. » — Segrais partagea bientôt le sort de Guilloire ; Mme de la Fayette lui donna un appartement chez elle, où il demeura de 1671 à 1676.