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1671 Il y a présentement une nouvelle qui fait l’entretien de Paris. Le Roi a commandé à M. de Cessac[1] de se défaire de sa charge, et tout de suite de sortir de Paris. Savez-vous pourquoi ? Pour avoir trompé au jeu, et avoir gagné cinq cent mille écus avec des cartes ajustées. Le cartier fut interrogé par le Roi même : il nia d’abord ; enfin, le Roi lui promettant son pardon, il avoua qu’il faisoit ce métier depuis longtemps, et même cela se répandra plus loin, car il y a plusieurs maisons où il fournissoit de ces bonnes cartes rangées. Le Roi a eu beaucoup de peine à se résoudre à déshonorer un homme de la qualité de Cessac, mais voyant depuis deux mois que tous ceux qu’il gagnoit étoient ruinés, il a cru qu’il y alloit de sa conscience à faire éclater cette friponnerie. Il[2] savoit si bien le jeu des autres, que toujours il faisoit va-tout sur la dame de pique, parce que les piques étoient dans les autres jeux,

  1. 4. Ce nom est écrit ainsi dans notre manuscrit. Il commence par un S (Sessac) dans l’édition de la Haye (1726), la seule où il soit imprimé tout entier : les autres n’ont que l’initiale S… — Louis-Guilhem de Castelnau (d’une autre maison que le maréchal), comte de Clermont Lodève, marquis de Cessac, était fils de Gabriel-Aldonce (de mêmes noms et titres) et de Louise du Prat, cousine germaine du chancelier Seguier. Il eut la charge de maître de la garde-robe du Roi en 1669. Après avoir été exilé quelque temps chez lui, dit Saint-Simon, il alla jouer gros jeu en Angleterre. Il eut la permission de revenir en 1674 (voyez la lettre du 12 janvier 1674, et les Négociations de M. Mignet, tome IV, p. 254), et fut compromis dans l’affaire des poisons (lettre du 31 janvier 1680). Plus tard, grâce à la faveur du Dauphin et de Monsieur, grands joueurs comme lui, il put reparaître à la cour. Il épousa en 1698 Jeanne-Thérèse-Pélagie d’Albert, fille du duc de Luynes et de sa seconde femme. Il mourut en 1705, laissant un fils en qui finit peu après la maison de Clermont Lodève. Voyez Saint-Simon, tome II, p. 112 et suivantes.
  2. 5. Ici encore Perrin, dans l’édition de 1754, a remplacé le pronom par S… (Sessac, Cessac), et le premier il de la ligne précédente par S. M. (Sa Majesté). Dans l’édition de 1734, il a supprimé tout ce qui est relatif à Cessac ; et dans ses deux éditions, deux bons tiers du reste de la lettre.