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attachée au rocher, et Tréville[1] sur un cheval ailé, qui tue le monstre. « Ah, Zésu ! matame te Grignan, l’étranze sose t’être zetée toute nue tans la mer[2]. » En voici une, à mon sens, encore plus étrange : c’est de coucher demain avec M. de Ventadour, comme fera Mlle d’Houdancourt. Je craindrois plus ce monstre que celui d’Andromède, contra il quai non val’elmo ne scudo[3].

Voilà bien des lanternes, et je ne sais rien de vous. Vous croyez que je devine ce que vous faites ; mais j’y prends trop d’intérêt, et à votre santé, et à l’état de votre esprit, pour n’en savoir que ce que je m’imagine. Les moindres circonstances sont chères de ceux qu’on aime parfaitement, autant qu’elles sont ennuyeuses des autres : nous l’avons dit mille fois, et cela est vrai. La Vauvineux vous fait cent compliments ; sa fille a été bien malade ; Mme d’Arpajon l’a été aussi : nommez-moi tout cela, à votre loisir, avec Mme de Verneuil. Voilà une lettre de M. de Condom, qu’il m’a envoyée avec un billet fort joli. Votre frère entre sous les lois de Ninon ; je doute qu’elles lui soient bonnes. Il y a des esprits à qui elles ne valent rien ; elle avoit gâté son père[4]. Il faut le recommander à Dieu : quand on est chrétienne, ou du moins qu’on le veut être, on ne peut voir ces dérèglements sans chagrin.

  1. 9. Henri-Joseph de Peyre, comte de Tréville (Troisville), cornette de la 1re compagnie des mousquetaires, colonel d’infanterie et gouverneur de Foix, « si célèbre au dix-septième siècle par son esprit, sa galanterie et ses perpétuels changements. » (M. Cousin, dans Mme de Sablé, p. 267.) C’est l'Arsène, dit-on, des caractères de la Bruyère. Il mourut en 1708, à l’âge de soixante-sept ans. Voyez la lettre de Noël 1671, où il est parlé de sa conversion, celle du 17 novembre 1688, et la Notice, p. 94.
  2. 10. Manière de prononcer de Mme de Ludres. « Elle parle d’une façon très-désagréable, dit Madame de Bavière, mettant partout des z pour des j ou des g. »
  3. 11. Contre lequel ni heaume ni bouclier ne peut rien.
  4. 12. Voyez la Notice, p. 47, et Walckenaer, tome I, p. 235.