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sier est au désespoir de ne vous pouvoir venir voir. J’ai été chez Mme du Puy-du-Fou ; j’ai été pour la troisième fois chez Mme de Maillanes[1]. Je me fais rire en observant le plaisir que j’ai de faire toutes ces choses.

Au reste, si vous croyez les filles de la Reine enragées, vous croirez bien. Il y a huit jours que Mme de Ludres, Coëtlogon et la petite de Rouvroy furent mordues d’une petite chienne, qui étoit à Théobon[2]. Cette petite chienne est morte enragée ; de sorte que Ludres, Coëtlogon et Rouvroy sont parties ce matin pour aller à Dieppe, et se faire jeter trois fois dans la mer[3]. Ce voyage est triste ; Benserade en étoit au désespoir. Théobon n’a pas voulu y aller, quoiqu’elle ait été mordillée. La Reine ne veut pas qu’elle la serve, qu’on ne sache ce qui arrivera de toute cette aventure. Ne trouvez-vous point, ma bonne, que Ludres ressemble à Andromède ? Pour moi, je la vois

  1. 6. Antoine des Porcellets, marquis de Maillanes, d’une des plus anciennes familles de Provence, était en 1672 procureur pour la noblesse à l’Assemblée des Communautés. Sa seconde femme était Gabrielle de Gianis de la Roche. Est-ce d’elle que Mme de Sévigné parle ici ?
  2. 7. Marie-Elisabeth de Ludres, chanoinesse de Poussay, qui fut aimée du Roi : voyez la lettre du 1er avril suivant. — Louise-Philippe de Coëtlogon, qui fut mariée au marquis de Cavoie. — Jeanne de Rouvroy, qui fut mariée au comte de Saint-Vallier. — Lydie de Rochefort Théobon, qui fut mariée au comte de Beuvron. Toutes quatre filles d’honneur de la Reine. Voyez la lettre du 27 novembre 1673.
  3. 8. On croyait que l’on guérissait une personne mordue d’un chien enragé en la plongeant dans la mer. « Les autres asseuroyent, dit Guillaume Bouchet (dans sa VIIe Serée, intitulée des Chiens), que l’eau de la mer guerissoit les enragez, si on les jette dedans ; et de faict on les mene maintenant à la mer, comme le plus asseuré remede. » (1re édition des Serées, Paris, 1585.) — M. Floquet a trouvé à la Bibliothèque impériale un ordre du Roi du 13 mars 1671, adressé à Blavet, maître des coches d’Orléans, pour conduire Mme de Ludres (du Ludre) et Mlles de Coëtlogon et de Rouvroy, de Paris à Dieppe.