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1671


143. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 11e mars.

Je n’ai point encore reçu vos lettres ; j’en aurai peut-être avant que de fermer celle-ci : songez, ma chère enfant, qu’il y a huit jours que je n’ai eu de vos nouvelles ; c’est un siècle pour moi. Vous étiez à Arles ; mais je ne sais rien par vous de votre arrivée à Aix. Il me vint hier un gentilhomme[1] de ce pays-là, qui étoit présent à cette arrivée, et qui vous a vue jouer à petite prime[2] avec Vardes[3], Bandol[4] et un autre. Je voudrois pouvoir vous dire comme je l’ai reçu, et ce qu’il m’a paru, de vous avoir vue jeudi dernier. Vous admiriez tant l’abbé de Vins[5] d’avoir pu quitter M. de Grignan ; j’admire bien plus celui-ci de vous avoir quittée. Il m’a trouvée avec le P. Mascaron, à qui je donnois un très-beau dîner. Il prêche à ma paroisse[6] ; il me vint voir l’autre jour : j’ai trouvé que

  1. Lettre 143 (revue en grande partie sur une ancienne copie). — 1. Nommé de Julianis, si nous en croyons le chevalier de Perrin.
  2. 2. Jeu où l’on ne donne que quatre cartes. Il y en a deux sortes : la grande prime, la petite prime.
  3. 3. Le marquis de Vardes (voyez la note 6 de la lettre 26 et la note 3 de la lettre 106), l’un des principaux auteurs de la lettre espagnole écrite à la reine Marie-Thérèse, pour l’informer de l’intrigue du Roi avec Mlle de la Vallière. Il fut d’abord mis à la Bastille, puis envoyé, au mois de mars 1665, à la citadelle de Montpellier, où il resta prisonnier pendant plusieurs années. Son sort finit par s’adoucir ; il fut alors relégué dans son gouvernement d’Aigues-Mortes, d’où il fut rappelé à la cour en 1683 : voyez la lettre du 26 mai de cette année.
  4. 4. Le président de Bandol, qui était un des amis intimes de Mme de Grignan et paraît avoir été un homme de beaucoup d’esprit. Voyez les lettres du 27 mars 1671 et du 8 mars 1676.
  5. 5. Walckenaer (tome V, p. 461) dit qu’il était très-probablement le frère cadet du marquis de Vins, Provençal et parent des Grignans, qui épousa en 1674 la sœur de Mme de Pompone.
  6. 6. À l’église Saint-Gervais : la rue de Thorigny, où demeurait