Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 94 —

1671

et à deviner ; j’espère que vous me l’expliquerez. Vous me faites une relation divine de votre entrée dans Arles ; mais il me semble que vous auriez grand besoin de vous reposer un peu. Vous avez toute la fatigue de votre voyage à digérer : quel temps prendrez-vous pour cela ? Vous êtes là comme la Reine : elle ne se repose jamais ; elle est toujours comme vous êtes depuis quelque temps. Il faut donc prendre son esprit, et avoir patience au milieu de toutes vos cérémonies. Je suis persuadée que M. de Grignan est bien charmé de la réception qu’on vous fait. Vous ne me parlez guère de lui, et c’est de ce détail que je serois curieuse. Je crois que le Coadjuteur a été noyé sous le pont d’Avignon. Ah mon Dieu ! cet endroit est encore bien noir dans ma tête. Dites-moi si cette expérience ne vous fera point un peu moins hardie. Il faut qu’il vous en coûte toujours, témoin votre première grossesse[1] : il a pensé m’en coûter bien cher cette fois, aussi bien qu’à vous. Voilà le Rhône passé ; mais j’ai peur que vous ne vouliez tâter de quelque précipice, et que personne ne vous en empêche : ma chère fille, ayez pitié de moi, si vous n’avez pitié de vous. Le cocher de Mme de Caderousse fait assez souvenir de celui du cardinal de Retz. Ah ! Monsieur Busche, que vous êtes divin ! Je vous ai conté comme je l’avois bien reçu.

Je suis persuadée que cette pauvre Caderousse mourra bientôt[2] ; à peine sait-on ici si elle est morte ou vive : j’en dirai des nouvelles, si on veut les écouter. Corbinelli m’écrit des merveilles de vous ; mais ce qui le charme, c’est qu’il croit et qu’il voit que vous m’aimez : il a tant d’amitié pour moi, qu’il est ravi que l’on soit dans son goût. Mais que je le trouve heureux de vous voir, de

  1. Lettre 142. — 1. La fausse couche de Livry.
  2. 2. Fille de Mme du Plessis Guénégaud (voyez la note 5 de la lettre 73). Elle ne mourut qu’en décembre 1675.