Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France avec une telle magnificence et une telle profusion, que l’on en parle encore tous les jours. Vous allez avoir le roi d`Espagne[1]; j’avoue que tous ces honneurs ne me laissent point oublier mes intérêts, et je crains toujours que cela ne retarde votre retour, que je ne puis m’empêcher de désirer très-vivement. Je ne doute point que vous n’ayez été fort sensible à la perte de notre pauvre duchesse de Sully[2]: elle vous aimoit véritablement, et c’étoit une très-aimable femme. Ah ! Madame, je la vis la veille de sa mort ; elle se croyoit bien malade, mais elle étoit bien éloignée de penser que le terme fut aussi court ; sa docilité pour les médecins l’a tuée. Cependant s’il est vrai que nos jours soient comptés, pourquoi ne nous pas désaccoutumer de nos ridicules raisonnements ? Quant à moi, qui me trouve seule de toutes les personnes avec qui j`ai passé ma vie, je demeure dans ma solitude, sans vouloir faire aucune nouvelle connoissance ; cela n’en vaut en vérité pas la peine. Ma vie est très-éloignée de celle du monde ; je ne m’y trouve plus du tout propre ; les nouveautés qu’il me présente ne sont plus à mon usage, et mon antiquité n’est plus au sien : ainsi, grâce à Dieu, nous nous passons à

_

  1. LETTRE 1491.-- 1. On savait que Philippe V allait s’embarquer pour Naples ; il fit en huit jours la traversée de Barcelone à Baies, où il arriva le jour de Pâques, 16 avril ; Dangeau ne dit pas qu’il ait touché en Provence. Voyez le Journal, tome VIII, p. 381, 385, 399, 401. Il repartit de Naples au commencement de juin pour se rendre à l’armée de Vendôme. Mais en quittant l’armée l’automne suivant, Philippe V traversa en effet la Provence. « Le cardinal d’Estrées vint de Rome joindre le roi d’Espagne, qui s’embarqua à Gênes pour la Provence, et de là aller par terre en Espagne, suivi du même cardinal … Marsin (L’ambassadant rappelé) … quitta le Roi … à Perpignan. » (Saint-Simon, tome III, p. 434.) Voyez la lettre du 5 février 1703, ci-après, p. 475 et 476.
  2. 2. Morte le 15 janvier 1702. Voyez à cette date le Journal de Dangeau.