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1670 je suis sur le succès dans une tranquillité[1] qui n’est pas imaginable. Je ne doute pas que si mes ennemis l’apprenoient, ils ne dissent que je suis insensible, et que les gens de courage ne souffrent pas si patiemment que je fais. Je vois bien qu’ils m’estimeroient davantage si je prenois les affaires assez à cœur pour me perdre ou pour en mourir.

Voulez-vous que je vous fasse un des petits raisonnements dont je me console quelquefois, ma belle cousine ? Ecoutez : il y a des disgrâces sourdes, et il y en a d’éclatantes. J’ai été sept ou huit ans à la cour avec une de ces premières, et de l’heure qu’il est mille gens (que l’on croit heureux) en souffrent de pareilles. Pour moi, j’aimois mieux alors être mal à la cour que d’être chassé, parce que j’espérois toujours de me raccommoder ; mais je vois bien maintenant qu’avec les ennemis que j’avois, la chose étoit impossible ; et cela étant ainsi, une demi-disgrâce qui dure longtemps est insupportable : c’est une mort de langueur qui fait bien plus de peine qu’une démission de charge, qui, après cent mille dégoûts, est une espèce de coup de grâce.

Voilà, entre autres, les réflexions qui me mettent l’esprit en repos. Je ne sais si elles feroient le même effet à tout le monde ; mais enfin mon bonheur, c’est que j’en suis persuadé.

Vous avez deviné : je ne voulois point vous parler de madame de Grignan, parce que je n’étois point content d’elle, et ma raison est que je n’ai jamais aimé les femmes qui aimoient si fort leurs maris. Encore me mandez-vous une chose qui ne la raccommodera pas avec moi : c’est sa grossesse. Il faut que ces choses-là me choquent étran-

  1. Tranquillité est rayé dans le manuscrit, et madame de Coligny a écrit au-dessus : résignation.