Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/567

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 537 —

1668

regarde, vous et la petite, qu’à ce qui m’a jamais touché moi-même le plus sensiblement.

Au reste, Madame, ne vous en prenez ni au cardinal dataire[1], ni à moi, de ce que l’on n’a rien fait encore pour Corbinelli. Un homme de la daterie, en qui je me fiois, a pris mon nom pour obtenir mille grâces pour lui, et m’a trompé dans trois ou quatre chefs. S’il en a usé pour Corbinelli comme il a fait pour d’autres, je doute que le nom de Corbinelli ait été seulement prononcé depuis ma dernière lettre. Il n’y a pas quinze jours que ce même homme m’écrivit une longue histoire sur cette affaire, et sur quelques autres que je lui avois recommandées ; et j’ai découvert deux faussetés dans les détails qu’il me fait. Ce n’est pas au sujet de Corbinelli ; mais comme je vois qu’il ment sur le reste, je juge qu’il a pu encore mentir à cet égard. J’y remédierai par le premier ordinaire, et avec toute la force qu’il me sera possible ; vous ne pouvez vous imaginer le chagrin que cela m’a donné.


91. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE
DE BUSSY RABUTIN.

À Paris, ce 7e janvier 1669.

Il est tellement vrai que je n’ai point reçu votre réponse sur la lettre où je vous donnois la vie, que j’étois en peine de vous, et je craignois qu’avec la meilleure intention du monde de vous pardonner, comme je ne suis pas accoutumée à manier une épée, je ne vous eusse tué sans y penser. Cette raison seule me paroissoit bonne à vous pour ne m’avoir point fait de réponse. Cependant vous

  1. Le dataire ou prodataire est l’officier le plus considérable de la chancellerie romaine : c’est par ses mains que passent tous les bénéfices vacants, hors les consistoriaux.