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1668 vous avez eu plus de tort en de certaines rencontres que vous ne pensez, il ne m’en reste rien sur le cœur contre vous, et qu’au contraire j’en ai si mal usé à votre égard, que vous me faites trop de grâce de me pardonner, et de ne laisser pas de me promettre votre amitié. Ceci n’est donc pas pour me justifier tout à fait, mais seulement pour vous faire voir que je n’ai pas tant de tort que vous croyez.

Je demeure d’accord avec vous, ma belle cousine, que votre premier mouvement fut de m’assister, lorsque notre ami Corbinelli vous en alla prier de ma part ; et je ne doute pas que si vous n’eussiez consulté que votre cœur, je n’eusse reçu le secours que je vous demandois ; mais vous prîtes conseil de gens qui ne m’aimoient pas tant que vous faisiez, qui vous portèrent à prolonger les affaires par des formalités inutiles ; car je sais aussi bien que M. Auzanet[1], que vous n’aviez pas besoin du consentement de M. de Neuchèse, et qu’avec la cession que je vous eusse faite, il eût bien fallu qu’il vous eût payée, comme il me paya l’hiver d’après ; mais enfin, en une autre rencontre, j’aurois eu patience et j’aurois donné à votre conseil tout le temps qu’il eût souhaité. Ce qui me fit croire qu’on ne cherchoit qu’un prétexte à m’éconduire, ce fut que la campagne étant commencée par le siège de Dunkerque, vos gens d’affaires parloient d’envoyer en Bourgogne, et d’en avoir réponse, et cela sans nécessité ; et ce qui vous peut faire voir que j’avois raison de m’impatienter, c’est que j’arrivai à l’armée la veille de la bataille[2]. Je partis donc de Paris avec le déplaisir de

  1. Lettre 81. — i. Barthélemi Auzanet, l’un des plus savants avocats du dix-septième siècle, mort en 1673. Il eut une grande part aux arrêtés du premier président de Lamoignon.
  2. La bataille des Dunes, gagnée le 14 juin 1658, par Turenne, sur les Espagnols, commandés par don Juan et le prince de Condé.