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quis et la marquise de Charest à Ancenis, et le jeune Foucquet à Joinville en Champagne. La bonne femme a mandé au Roi qu’elle avoit soixante et douze ans, qu’elle supplioit Sa Majesté de lui donner son dernier fils, pour l’assister sur la fin de sa vie, qui apparemment ne seroit pas longue. Pour le prisonnier, il n’a point encore su son arrêt. On dit que demain on le fait conduire à Pignerol, car le Roi change l’exil en une prison. On lui refuse sa femme, contre toutes les règles. Mais gardez-vous bien de rien rabattre de votre joie pour tout ce procédé : la mienne en est augmentée s’il se peut, et me fait bien mieux voir la grandeur de notre victoire. Je vous manderai fidèlement la suite de cette histoire ; elle est curieuse :

Non da vino in convito
Tanto gioir, qual de’ nemici il lutto
[1].

Voilà ce qui s’est passé aujourd’hui ; à demain le reste.

Lundi au soir.

Ce matin à dix heures on a mené M. Foucquet à la chapelle de la Bastille. Foucaut tenoit son arrêt à la main. Il lui a dit : « Monsieur, il Faut me dire votre nom, afin que je sache à qui je parle. » M. Foucquet a répondu : « Vous savez bien qui je suis, et pour mon nom je ne le dirai non plus ici que je ne l’ai dit à la chambre ; et pour suivre le même ordre, je fais mes protestations contre l’arrêt que vous m’allez lire. » On a écrit ce qu’il disoit, et en même temps Foucaut s’est couvert et a lu l’arrêt. M. Foucquet l’a écouté découvert. Ensuite on a séparé de lui Pec-

  1. « Le vin dans un festin ne donne pas autant de joie que le deuil des ennemis. » — Nous n’avons pu trouver d’où ces vers étaient tirés. Ils manquent dans toutes les éditions, mais se lisent dans nos deux copies.