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1650

même à mes amis, vous y auriez bonne part. Je vis hier le président Charton[1] qui parle, ce me semble, avec plus d’emphase que jamais. Ne venez point ici que vous n’ayez de mes nouvelles : ce sera bientôt, je vous en réponds.



1651

* 19. — DE SCARRON À MADAME DE SÉVIGNÉ.[2]

Madame,

J’ai vécu de régime le mieux que j’ai pu, pour obéir au commandement que vous m’aviez fait, de ne mourir point que vous ne m’eussiez vu ; mais, Madame, avec tout mon régime, je me sens tous les jours mourir d’impatience de vous voir. Si vous eussiez mieux mesuré vos forces et les miennes, cela ne seroit pas arrivé. Vous autres dames de prodigieux mérite, vous vous imaginez qu’il n’y a qu’à commander : nous autres malades, nous ne disposons pas ainsi de notre vie. Contentez-vous de faire mourir ceux qui vous voient plus tôt qu’ils ne veulent, sans vouloir faire vivre ceux qui ne vous voient point aussi longtemps que vous le voulez ; et ne vous prenez qu’à vous-même de ce que je ne puis obéir au premier commandement que vous m’avez jamais fait,

    de la plus pure et de la plus véritable passion de laquelle une âme eût jamais été embrasée. » Le récit de cette mort termine la cinquième partie du roman, qui fut achevée d’imprimer le 22 février 1648.

  1. Le président Charton est ce « président aux requêtes, peu moins que fou, » dont le nom revient souvent dans les Mémoires de Retz. Dans un dossier de la Bibliothèque impériale se trouve un acte original du 6 mai 1652, où il figure avec les titres suivants : « Louis Charton sieur de la Douze, conseiller du Roi en ses conseils, président des requêtes du palais à Paris, etc. » Il est mort en 1684.
  2. Lettre 19. — Walckenaer (tome I, p. 301) suppose que Mme de Sévigné, avant de partir pour la Bretagne, en 1651, après la mort de son mari, avait écrit à Scarron de ne pas mourir avant son