Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
NOTICE BIOGRAPHIQUE


mieux que les autres aux faiblesses égoïstes. Au témoignage de M. de Grignan, madame de Sévigné mourut, comme une femme forte, avec une fermeté et une soumission étonnantes. « Cette personne, dit-il, si tendre et si faible pour tout ce qu’elle aimoit, n’a trouvé que du courage et de la religion, quand elle a cru ne devoir songer qu’à elle[1]. »

Ce fut le 17 avril 1696 que madame de Sévigné fut emportée par le terrible fléau qui, neuf ans plus tard, devait aussi frapper sa fille ; elle avait soixante-dix ans et deux mois. On craignait tellement la contagion de la maladie à laquelle elle avait succombé, qu’elle fut inhumée précipitamment. On n’osa pas déposer le cercueil dans le caveau de l’église ; mais on ouvrit, pour l’y placer, une fosse qui fut couverte de maçonnerie, dans le chœur, à gauche de l’autel[2].

Son esprit, comme son cœur, l’agrément de son commerce, sa bonté, sa fidélité dans ses amitiés, la rendaient infiniment regrettable à tous ceux de ses amis qui lui survivaient. Quelques jours après sa mort, Emmanuel de Coulanges écrivait à madame de Simiane : « Quel coup pour nous tous tant que nous sommes !... Madame de Coulanges est dans une désolation qu’on ne vous peut exprimer, et si grande que je crains qu’elle n’en tombe bien malade... Madame la duchesse de Chaulnes s’en meurt ; la pauvre madame de la Troche !... Enfin, nous nous rassemblons pour pleurer[3]. » Qui pourrait douter qu’au milieu de ces douleurs une des plus vives n’ait été celle de Charles de Sévigné ? Sa vie tout entière dit assez quels durent être ses regrets. Il donna d’ailleurs, après la mort de sa mère, des marques si touchantes de son respect pour toutes ses volontés et tous ses sentiments, que l’amour lilial n’a point de larmes qui soient plus éloquentes.

Madame de Sévigné, avant de quitter Paris pour son dernier voyage en Provence, avait laissé entre les mains du lieutenant civil le Camus, une cassette qui renfermait des papiers où elle assurait des avantages à madame de Grignan. Elle

  1. Lettre à M. de Coulanges, 23 mai 1696.
  2. Voir dans les notes à la fin de la Notice (note 11) un extrait des registres de l’église collégiale de Saint-Sauveur à Grignan.
  3. Lettre, du 25 avril 1696.