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NOTICE BIOGRAPHIQUE


que le nom de la plus jolie fille de France était assez agréable, « mais qu’elle était lasse d’en faire les honneurs[1] ; » et, un peu plus tard, que « la destinée de sa fille était si difficile à comprendre que, pour elle, elle s’y perdait[2] ? » Nous ne savons si cette inexplicable bizarrerie du destin ne se pourrait point expliquer par le caractère de mademoiselle de Sévigné :

Car les précieuses
Font dessus tout les dédaigneuses.


Saint-Pavin, sous forme de compliment, disait bien quelque chose à peu près comme cela, dans des vers qu’il adressait à madame de Sévigné :


Votre fille est le seul ouvrage
Que la nature ait achevé.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Aussi la terre est trop petite
Pour y trouver qui la mérite ;
Et la belle, qui le sait bien,
Méprise tout et ne veut rien.


Quoi qu’il en soit, elle finit par épouser un homme qui n’était ni beau, ni très-jeune, et déjà deux fois veuf, mais qui n’était pas, il s’en faut, le malotru de la fable. C’était au contraire « un fort honnête homme, fort poli, fort noble, sentant fort ce qu’il étoit, » dit Saint-Simon, qui, pour le caractère du comte de Grignan, est entièrement d’accord avec madame de Sévigné, et ne l’est pas moins dans cette peinture de son extérieur : « Un grand homme, fort bien fait, laid[3]. » Madame de Sévigné écrivait le 4 décembre 1668 à Bussy : « La plus jolie fille de

  1. Lettre du 26 juillet 1668.
  2. Lettre du 28 août 1668.
  3. Mémoires, tome XI, p. 435.