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J’entends venir avec fracas la farouche Érinnys, la Fu- reur aveugle, l’Horreur, et tous les monstres que la Nuit éternelle engendre et cache dans son sein ; le Deuil, qui s’arrache les cheveux ; la Maladie, qui sou- tient à peine sa tête pesante ; la Vieillesse, insupportable à elle—même ; et la Crainte, qui voit un abîme à ses pieds.

Le cœur nous manque alors. Mante elle-même, toute savante qu’elle est dans l’art et les sortilèges de son père,se sent frappée d’effroi ; mais l’intrépide vieillard , à qui la perte de la vue laisse plus de force, appelle à grands cris les pâles habitans du sombre empire : ils accourent à sa voix comme de légers nuages, et se plai— sent à respirer l’air des vivans, plus nombreux que les feuilles qui tombent sur l’Éryx à l’automne , ou que les fleurs qui couvrent, au printemps, les sommets d’Hy- bla, quand les essaims viennent s’y abattre en masses profondes ; moins de flots se brisent aux rivages de la mer Ionienne , moins d’oiseaux fuient les bords glacés du Strymon pour échapper aux frimas, et traversent le ciel pour échanger les neiges de l’Ourse contre les tiè- des rivages du Nil, que la voix du vieux devin ne fit apparaître d’ombres. Éblouies par le jour, toutes ces âmes vont se cacher en tremblant dans les retraites les plus sombres de la forêt.

Le premier qui. s’élève du sein de la terre est Zéthus, dontla main droite presse la corne d’un taureau furieux ; puis Amphion tenant dans sa main gauche la lyre har- monieuse qui force les rochers à le suivre. Au milieu de ses enfans, qu’on ne peut plus lui ravir, la superbe fille de Tantale s’avance fièrement dans son orgueil mater-