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changent pas facilement leurs habitudes, non par constance, mais par paresse. Ils vivent, non point comme ils veulent, mais comme ils ont commencé.

Le vice est infini dans ses variétés, mais uniforme en son résultat, qui consiste à se déplaire à soi-même. Cela naît de la mauvaise direction de l’âme, et des désirs qu’elle forme avec irrésolution ou sans succès ; car, ou l’on n’ose pas tout ce que l’on voudrait, ou on l’ose sans réussir ; et toujours l’on se trouve sous l’empire d’espérances trompeuses et mobiles ; état fâcheux, mais inévitable d’une âme qui ne conçoit que des désirs vagues, indéterminés. Toute la vie de certains hommes se passe dans une éternelle indécision ; ils s’instruisent et se forcent à des actions honteuses et pénibles ; et quand leur peine ne trouve point sa récompense, ils regrettent, avec amertume, un déshonneur sans profit ; ils sont fâchés d’avoir voulu le mal, mais de l’avoir voulu en vain. Alors ils se trouvent partagés entre le repentir d’avoir commencé et la crainte de recommencer ; également incapables d’obéir ou de commander à leurs désirs, ils se voient en butte à l’agitation d’un esprit engagé dans un dédale sans issue, à l’embarras d’une vie arrêtée, pour ainsi dire, dans son cours, et à la honteuse langueur d’une âme trompée dans tous ses vœux.

Tous ces symptômes s’aggravent encore lorsque le dépit d’un malheur, si péniblement acheté, les jette dans le repos et dans les studieux loisirs de la retraite, qui sont incompatibles avec un esprit préoccupé des affaires publiques, tourmenté du besoin d’agir, inquiet par sa nature, ne peut trouver en lui-même aucune consolation de sorte que, se voyant privé des distractions que les affaires mêmes procurent aux gens