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DE LA COLÈRE


LIVRE PREMIER

I. Vous exigez de moi, Novatus, que je traite par écrit des moyens de guérir la colère ; et je vous applaudis d’avoir craint particulièrement cette passion, de toutes la plus hideuse et la plus effrénée. Les autres, en effet, ont encore un reste de calme et de sang-froid : celle-ci n’est qu’impétuosité ; toute à l’élan de son irritation, ivre de guerre, de sang, de supplices ; sans souci d’elle-même, pourvu qu’elle nuise à son ennemi ; se ruant sur les épées nues, et avide de vengeances qui appelleront un vengeur. Aussi quelques sages l’ont-ils définie une courte folie. Car, non moins impuissante à se maîtriser, elle oublie toute décence, méconnaît les nœuds les plus saints ; opiniâtre, acharnée à son but, sourde aux conseils et à la raison, elle s’emporte pour de vains motifs, incapable de discerner le juste et le vrai ; semblable enfin à ces ruines qui se brisent sur ce qu’elles écrasent. Pour vous convaincre que l’homme ainsi dominé n’a plus sa raison, observez l’attitude de toute sa personne : de même que certains délires ont pour signes certains le visage audacieux et menaçant, le front rembruni, l’air farouche, la démarche précipitée, des mains qui se crispent,